La grande entreprise de manipulation des marchés financiers semble atteindre ses limites : les bulles sont au plus haut, les risques aussi. La planche à billets des banques centrales, ainsi que le maintien au plancher de leur taux directeur, fonctionne parfaitement ; les taux sur les obligations souveraines atteignent des bas historiques aux Etats-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni et en France. Cela fonctionne même trop bien : ces obligations ne rapportent même pas l’inflation, signe évident d’une bulle.

Où va l’argent, si les obligations souveraines ne rapportent plus rien ? Sur la bourse évidemment, qui bat également des records. Le Dow Jones a dépassé son record de 2007, avant l’éclatement de la crise de 2008, et, partout dans le monde, les marchés actions se portent très bien. Autre domaine où les liquidités peuvent se placer : l’immobilier. Mais, dans ce cas, la situation est plus contrastée car, même si l’on note des tensions ou des bulles ici ou là (Chine, pays émergents, certaines zones aux Etats-Unis et en Europe), les investisseurs ne sont quand même pas prêts à repartir tête baissée dans l’immobilier, quelques années seulement après la crise des subprimes.

On constate ainsi que, sur les grandes classes d’actifs, on atteint les limites : les banques centrales ne peuvent plus baisser leurs taux, car elles sont à zéro ou presque, les obligations souveraines ne peuvent pas durablement rapporter moins que la hausse des prix, les marchés actions peuvent difficilement faire croire que l’économie se porte vraiment mieux qu’avant la crise de 2008 et, enfin, le marché immobilier progresse également et offre encore un dérivatif, mais sur lequel tout le monde demeure néanmoins prudent.

Le problème est que ces indicateurs au plus haut parient sur la capacité de l’économie à redémarrer et des Etats à se désendetter… ce qui ne se produit absolument pas, pour l’instant. Au contraire, les dettes publiques aux Etats-Unis, en Europe et au Japon continuent d’augmenter, et la croissance se fait toujours attendre (le PIB du premier trimestre s’est établi à +1,6% au Japon, +0,2% dans la zone euro, -2,9% aux Etats-Unis, on le rappelle). Il y a un hiatus de plus en plus flagrant entre l’économie réelle et les marchés financiers ; cela ne peut pas durer encore longtemps. Le peu de croissance obtenu l’est par des "effets richesse" (ceux qui possèdent ces actifs se sentent plus riches et consomment plus), alors que c’est la seule amélioration de la productivité suivie d’une augmentation des revenus qui permet une croissance durable ; mais, manque de chance, l’investissement des entreprises demeure déprimé.

Lors de la précédente grande période de croissance achetée à crédit (2000-2006), l’or avait joué son rôle d’avertisseur en progressant nettement ; il signifiait par là que le crédit excédait les capacités de l’économie, que trop d’argent était créé. Cette fois, son cours s’avère plus erratique… mais c’est vrai qu’il est sous surveillance. Après une grande discrétion durant les années ‘80 et ‘90 où il stagnait autour de 300 $ l’once, sa remontée, à partir de 2000, l’a mis sous les projecteurs. Et quand il a tutoyé les 2,000 dollars en août 2011, les banques centrales et les Etats n’ont vraiment pas apprécié que leur monnaie papier soit autant ridiculisée. Depuis, on le sait, le cours est plus ou moins manipulé à la baisse mais, selon Egon Von Greyerz, les manipulateurs de l’or sont désespérés, "avec des coffres presque vides, les banques centrales et les bullion banks commencent à désespérer". Hum, c’est le moment, non ? De se retirer des obligations et des actions, pour ceux qui en possèdent encore, et de migrer vers l’or (physique s’entend) ?

Quoi qu’il en soit, l’inflexion ou le retournement pourrait bientôt apparaître. Il faudra surveiller la croissance américaine, voir si la Fed parviendra à stopper son plan de Quantitative easing et commencer à remonter ses taux, comme Janet Yellen s’y est engagée. C’est encore, bien sûr, la première puissance économique mondiale qui donnera le ton.

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